Haïti : le cri de détresse de l’Église catholique pour une renaissance

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La Conférence épiscopale d’Haïti (CEH) a clos, le 27 septembre 2025 à Fort-Liberté, sa 144ᵉ assemblée plénière par un constat sévère de la situation nationale. Dans un message empreint de gravité, les évêques ont dénoncé l’effondrement général du pays et ont interpellé tous les acteurs: les dirigeants, les gangs armés, la société civile et la communauté internationale sur leurs responsabilités respectives.

Une nation en crise profonde

Dans une homélie d’une rare fermeté, les évêques ont décrit une nation « malade » et « souffrante ». Ils ont rappelé que l’insécurité, l’effondrement économique, l’exode des jeunes et la désagrégation sociale minent le pays : « ensekirite gaye toupatou ,  ekonomi peyi a tonbe an degraba, jèn yo ap kouri kite peyi a , sosyete a dechire ».

L’Église elle-même n’est pas épargnée : des prêtres ont dû abandonner leurs paroisses et les fidèles sont dispersés. Pour les évêques, cette situation est le signe manifeste de la déliquescence de l’État nation.

Des interpellations directes et inédites

Le message dépasse le simple constat. Les évêques s’adressent avec clarté et sans détour à plusieurs catégories d’acteurs :● Aux autorités de l’État, ils demandent de cesser d’être « pilleurs ou démolisseurs de l’État », et les exhortent à respecter le bien commun, à être semeurs d’espérance : « Lè yo respekte lajan ak byen Leta a ; lè yo montre vrèman yo se sèvitè Leta ».● Aux gangs armés, ils lancent un appel à la conscience : « Fòk gwoup ki gen gwo zam nan men yo pran konsyans tout mal y ap fè peyi a ».● À la communauté internationale, ils réclament des actions concrètes et sincères : « jès ki montre yo vle ede nou tout bon vre », et non pas de simples déclarations d’intention.

Cette interpellation prophétique prend sa force dans le contexte de la question du Christ à ses disciples : « Pour vous, qui suis-je ? ». Les évêques adressent cette interrogation respectivement aux dirigeants, aux groupes armés, à l’Église elle-même et à chaque citoyen. Aux responsables politiques, ils demandent en reprenant la question du Christ : « Èske nou deside pou sèvi m nan jan n ap sèvi pèp la ? ». Aux gangs : « Èske nou vle manifeste kè sansib pou pèp mwen an ? ». Cette rhétorique place chacun face à ses responsabilités ultimes.

Un appel à l’espérance active

Malgré la gravité du constat, les évêques refusent de céder au désespoir. Ils fondent leur appel sur l’espérance chrétienne, qu’ils définissent comme une « présence incarnée ». Ils en appellent à un dialogue entre les haitiens, à une trêve dans la violence, à l’investissement dans l’éducation, au soutien aux personnes déplacées et victimes de violences. Leur cri résonne comme un désir de renouveau : « Ayiti pa ka mouri, Ayiti pa dwe mouri ! »

Ils concluent leur message avec une note de confiance : « Avec Jésus-Christ, tout est encore possible ». Ils invitent ainsi les citoyens à redevenir acteurs de leur avenir, en posant des gestes concrets d’espérance, et les chrétiens en particulier à incarner cette espérance au quotidien.

La voix prophétique de l’Église

Dans un contexte où les institutions étatiques se sont effondrées, la voix de l’Église catholique acquiert une résonance particulière. Ce discours ne se limite pas à une exhortation spirituelle : il constitue à la fois un acte de foi et un geste de courage prophétique. Les évêques cherchent à secouer les consciences afin d’éviter le naufrage définitif de la nation haïtienne.

Père Birbek PLAISIL

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